On nous avait prévenu que, dans la partie nord, ce n'est plus une route ni même une piste: c'est plutôt un chemin caillouteux! En général, les gens y vont en 4x4 ou en moto-cross... mais comme on ne sait pas piloter de moto-cross, on a pris des VTT à l'hôtel et c'est parti pour environ 30 km !60km aller retour
Malgré quelques côtes, les premiers kilomètres se passent très bien, on en profite pour photographier le paysage:
Mais au bout d'un moment, on commence à comprendre pourquoi les autres gens utilisent un véhicule motorisé ! Le soleil est à son zénith (pas de nuages ce jour là) et les côtes s'enchainent... on commence à bien tirer la langue et on ne pense plus trop aux photos !
Par contre, en vélo, on profite beaucoup plus du trajet: des paysages bien sûr mais surtout des villages qu'on traverse où on est facilement interpelé par des habitants, qui ont souvent envie de discuter !
En effet, Madagascar à une tradition francophone mais le malgache est redevenu la langue officielle. Du coup, les anciens parlent français mais n'ont pas trop l'occasion de pratiquer (surtout dans ces villages moins touristiques du nord)... on sent que ça leur fait plaisir de papoter un peu avec nous dans la langue de Molière !
C'est ainsi qu'on a fait la rencontre de Norbert, au village d'Anivorano, qui nous raconte les problèmes de corruption dans la distribution de l'aide alimentaire et nous parle de son passé de marin.
On fait aussi la connaissance de Christian, instituteur au village d'Ifotatra qui nous raconte son métier, sa famille et surtout semble fier de nous montrer sa connaissance de la géographie française (et oui, quand lui était élève, l'influence française était beaucoup plus forte et on lui apprenait "nos ancêtres les gaulois" ...).
La fin du trajet est très TRES difficile. Quelques kilomètres avant de toucher au but (~12h), nous sommes interpelé par Antoine, qui tient un restaurant et loue quelques bungallows au bord de la route. Après son petit argumentaire pour nous expliquer que ses concurents (à quelques km, juste à côté des piscines naturelles) sont des nazes, on décide de manger là au retour, on passe commande et on lui prend une bouteille d'eau pour affronter les 10 kilomètres restant.
C'est pendant ces derniers kilomètres (toujours beaucoup de montés) qu'on se rend compte qu'on est vraiment épuisés... mais on arrive enfin à la pointe nord.
On est tellement impatients de se tremper qu'on a pas le courage d'aller jusqu'au piscines: on se jette dans le premier bout de mer accessible !
Cette fois, on pense aux photos:
Requinqués par ce petit bain, retour sur les vélos, direction "Chez Antoine". Là on commence vraiment à s'inquiéter: on meurt de faim et on se demande si on arrivera à rentrer à l'hôtel!
Chaque chose en son temps, d'abord: manger.
(le panneau, c'est une nageoire de baleine)
Au menu: salade de papaye, poisson coco avec riz et frites de patates douces et beignets de bananes. Antoine nous fait la conversation: son passé de marin (lui aussi) et ses soucis avec ses fameux concurrents au nord !
L'épisode de l'addition mérite d'être raconté en détails:
On est bien rassasié mais il ne faut pas tarder à partir, on a encore beaucoup de route et la nuit tombe vite ici. On va donc payer (toujours un peu stressés par les kilomètres restant).
Antoine: Ca fait 19000 ariarys... (un peu plus de 8€)
Moi: On va vous prendre une bouteille d'eau en plus.
Antoine: Houla !
... Antoine nous donne une bouteille, sort une feuille et un crayon, et comence à poser son addition...
... réflexion intense... environ 5 min...
Antoine: Bon, donc ça nous fait 21200 ariarys.
Moi: Voila 25000 !
... grand soupir d'Antoine...
Antoine: Pfoulala, c'est compliqué la monnaie !
... Il repart pour poser son nouveau calcul, ça risque d'être encore un peu long...
Nous: Ca fait 4800 de monnaie !
(oui, on s'est planté de 1000, mais on était vraiment crevés aussi !)
... vu son sourire, Antoine à l'air ravi qu'on lui épargne de faire une soustraction!
Antoine: Hé, hé ! C'est compliqué la monnaie !
... Il farfouille derrière son comptoir et y trouve 1 ou 2 billets... le compte n'y est pas.
... Nouveau soupir...
Antoine: Pfiou, c'est compliqué la monnaie!
... Il sort de derrière son comptoir, grimpe sur une chaise et fouille entre les poutres et le toit en tôle de son resto... il en tire quelques billet de plus, recompte... toujours pas le compte!
Alors il commence à tourner dans son restaurant en cherchant un peu partout... pas d'autres billets en vue...
Nous: Non mais vous embettez pas, on a vu que vous produisiez de la vanille derrière l'hôtel, vous n'avez qu'à nous rendre la monnaie en vanille !
Grand sourire d'Antoine !
Antoine: Ha ben oui! Parce que c'est compliqué la monnaie !
Il sort, va voir les vendeuses de vanille qui se reposaient à l'ombre dehors, puis il revient avec une énorme poignée de vanille!
Antoine: Et voilà !
Nous: Le compte est bon !
Le moral remonté par l'épisode, on repart, pas de temps à perdre: le soleil commence à descendre !
Sauf que c'est dur d'être pressé à Madagascar: quand on repasse à Ifotatra, Christian est toujours devant sa case et nous interpelle de nouveau !
Il tient absolument à nous faire visiter sa case et à poursuivre la discussion. Ca à tellement l'air de lui faire plaisir qu'on cède. Il nous raconte ses correspondances et sa passion pour toutes ces petites choses qu'il reçoit de France: une carte postal du Mont-Gerbier-de-Jonc, sa correspondance avec le maire de St-Priest (jumelée avec Ifotatra).
On lui donne notre adresse, on prend la sienne et on lui promet de lui écrire. Ca a vraiment l'air de lui faire plaisir, il nous fait cadeau de tout ce qu'il a en clous de girofle.
Et puis on repart (le commence baisse dangeureusement). Les gens que l'on croise dans les villages ont l'air encore plus souriants, les gamins sortent des cases pour nous faire de grands "bonjour"... du coup on a du mal à être inquiets pour notre trajet retour !
Finalement, tout est bien qui finit bien: on arrive à "La Crique" juste avant la nuit (mais vraiment juste !), épuisés, mais heureux!